pour neuf instruments à vent spatialisés (sans chef) – 2014, 15′

Instrumentation: 1 hb. (aussi c.a.), 2 clar. (aussi 1. clar. basse), 1 sax. (S./A./T.), 2 cors, 1 tp., 2 tbn. basses, Clicktracks ou programme de synchronisation à disposition.

Ricordi Verlag, score in rent: Sy. 4280

Création: 09 aout 2014, Klangforum Wien, Cours d’été pour la nouvelle musique, Darmstadt, Allemagne.

Note de programme:
Dans le monde réel, il n’y a ni début, ni fin, ni centre, ni bord, ni aucune unité bien délimitée. Cela est valable pour l’univers, mais l’est également à notre dimension humaine et sonore. Les tumultes d’une gare, d’un marché ou d’une cour d’école ne sont-elles pas plus que la somme de leur voix ? Y perçoit-on un son homogène et définissable ? Est-on encore capable, dans une foret, de distinguer chaque arbre ? Votre regard ne se perd-il pas plutôt dans l’entrelacement des branches et des feuilles, sans pouvoir distinguer à qui elles appartiennent ?

à tue-tête reprend musicalement cette interrogation. Le modèle (demandé par le commanditaire) est ici Giacinto Scelsi, qui fut l’un des premiers compositeurs occidentaux, avec auparavant Varèse, à refuser de réduire la musique aux paramètres artificiellement séparés de hauteur, de rythme et de dynamique, à des alphabets délimités de notes, mais qui a appréhendé le phénomène sonore dans sa complexité et sa continuité. Les musiques de tradition orale le font, elles, depuis longtemps.

à tue-tête n’est pas une folklorisation du travail si singulier de Scelsi mais plutôt une remise en question légère, presque humoristique, de nos habitudes culturelles d’écoute à travers le prisme de mon propre langage musical. L’espace des musiciens n’a pas de centre et l’auditeur est continuellement perdu entre unités et multiplicités, et entre perceptions primaires et secondaires d’objets musicaux apparemment clairement délimités. De plus, nous nous sommes fixés plusieurs contraintes musicales fortes : une note [si] et une pulsation en doubles-croches sont continuellement présentes tout au long de la pièce. Cependant, l’harmonie est changeante et les polymétries nombreuses (et majoritairement impaires). Ainsi la perception devient paradoxale et, comme la vie, à tue-tête.

[cml_media_alt id='2148'] Disposition spatiale dans à tue-tête[/cml_media_alt]