pour accordéon et piano – 2019

I.- Quand le psittirostre zinzinule (env. 9′)
II.- Novembre (in memoriam Jean-Claude Risset & Corinna L.) (env. 6′)

Création 30 Nov. 2019, Festival Rainy Days, Luxembourg, Anna-Maria Hoelscher: Acc.; Florian Hoelscher: Piano

Note de programme :

Celle ou celui qui, en cette époque de crise de l’écoute, où le visuel l’emporte sur l’auditif (jusqu’au XVIIIe siècle, l’art de l’écoute était aussi un art secondaire), où même certains compositeurs s’orientent, en conséquence, vers un art conceptuel ou vers l’addition d’outils multimedia et visuels, continue à composer de la musique pure peut apparaître pour certains comme un dinosaure.

Je revendique fièrement cette attitude, d’une part parce que l’écoute est, sans que je puisse le changer, mon sens de prédilection, ma passion, mon handicap. D’autre part, en ces temps de capitalisme post-moderne qui cherche non pas des producteurs affranchis mais des consommateurs normés afin de mieux les manipuler, il faut justement se battre pour son expertise minoritaire et pour l’acceptation de sa différence, de sa dissonance.

Ce qui m’intéresse plus particulièrement, en tant que compositeur, c’est d’induire en erreur l’écoute cognitive, au delà du simple geste, de s’appuyer sur des paradoxes de la perception, comme par exemple, dans cette œuvre, des rythmes pulsés en polymétries complexes (premier mouvement), des créations et échanges de sonorités non-reconnaissables entre les deux instruments (l’utilisation de registres peu usités, par exemple, dans le premier mouvement), ou des échelles descendantes que l’on croit reconnaitre, mais qui ne sont en fait pas octaviantes (deuxième mouvement).

J’attribue volontiers mes titres après avoir composé. Cependant, que signifie composer en cette époque de dérèglements climatiques et de déclin de l’anthropocène? Le psittirostre, disparu, ne zinzinule plus. Le compositeur peut-il encore composer? Ce cycle (deux pièces sont aujourd’hui à écouter, un autre mouvement est en composition) est en quelque sorte une chronique déchantée, là où l’artiste ne peut changer le monde mais peut en témoigner.